Il y a des aprĂšsâmidis comme ça oĂč tu jettes un Ćil Ă ton bureau et Ă ton armoire, coincĂ©s dans le grenier comme un cocon geek, et tu te dis :
«âŻMais quâest-ce que je fous avec une RTX 3080⊠pour mater Star Trek Voyager en 720âŻpâŻ?âŻÂ»
CâĂ©tait prĂ©cisĂ©ment un aprĂšsâmidi de printemps, la lumiĂšre douce filtrĂ©e par les mini-velux, quand jâai vu mon systĂšme en train de bĂąiller. Casque sur les oreilles, playlist retro-synthwave en fond, prĂȘt Ă me replonger dans un vieux nanar SF des annĂ©esâŻ80, et BAM : 7âŻ% dâutilisation GPU pour Plex. SEPT POUR CENT.
Un frisson mâa traversé : une honte cosmique. Jâavais lâimpression dâavoir utilisĂ© un avion pour aller acheter du pain.
Ă la recherche d’une solution
La premiĂšre fois que jâai regardĂ© cette Ă©tagĂšre, câĂ©tait comme dĂ©couvrir une capsule temporelle. LâiBook G3 Palourde, avec sa coque imprimĂ©e de coquillages, me rappelait mes premiers essais de HTML Ă la gare de LilleâŻ: je branchais une batterie externe et, entourĂ© de voyageurs curieux, jâaffrontais la boussole de leur WiâFi public. Un peu plus bas, lâiBook G4, plus fin, plus rapideâŻ: lâordinateur sur lequel jâai pondu mes premiers articles pour le blog, entre deux cafĂ©s. Juste Ă cĂŽtĂ© se trouvait le PowerBook G4, son boĂźtier en aluminium brossĂ© scintillant sous la lumiĂšre tamisĂ©eâŻââŻet cette idĂ©e folle que je pouvais Ă©crire comme un pro, mĂȘme sans internet.
Puis, au fond, planquĂ© derriĂšre un MacBook blanc 2010 au clavier capricieux, trĂŽnait un prototype de PowerBook G5âŻââŻou ce qui en tenait lieu, bricolĂ© Ă coup de tutos obscurs. Jâai touchĂ© ce mĂ©tal froid et un peu rayĂ©, me demandant combien dâheures de bidouille il avait survĂ©cu. Et tout au fond de lâĂ©tagĂšre, lâiMac G3 Bondi Blue, silhouette bulbeuse, port USB 1.1âŻ: un totem de lâĂąge dâor, translucide comme une coque de bonbon rĂ©tro.
Au cĆur du musĂ©e, un Acer Aspire 1605 rĂąlait doucement, la ventilation semblable Ă un moulin Ă priĂšres Ă©touffĂ©, et, en bas, posĂ© comme un vieux soldat, mon cher Dell InspironâŻ1545. Ah, cette bĂȘteâŻ! Celle qui a plantĂ© en plein rendu de projet de BTS, celle dont le clavier a brĂ»lĂ© mes doigts au premier marathon Age of Empires 2. Je me suis surpris Ă lui sourireâŻ: malgrĂ© ses ratĂ©s, câest lui qui avait initiĂ© mon amour pour Debian et la ligne de commande.
Ce soir-lĂ , jâai su que câĂ©tait le Dell qui allait retrouver une seconde vie. Loin des RGB et des coeurs de processeur surdimensionnĂ©s, il y avait quelque chose de pur dans cette idĂ©eâŻ: rĂ©animer un vieil engin pour quâil propulse mes films plutĂŽt quâun monstre de consommation.
Mais on ne se cache pas que cette configuration aujourd’hui ne servirait pas Ă grand chose d’autre, c’est littĂ©ralement une patate dans d’autre taches, si je faisais pas du direct play avec Plex, il ne lirait mĂȘme pas les fichiers lui mĂȘme.
Déconstruction et renaissance
Jâai enclenchĂ© lâopĂ©ration rĂ©surrection : installation de DebianâŻ12, version serveur, sans fioritures graphiques. Exit les festons GTK et autres gadins visuels : je voulais du sobre, du solide, du shell. Le boot, rapide comme un cafĂ© court, rĂ©veillait le Dell dâun sommeil numĂ©rique avec un soupir presque satisfait du ventilateur.
CrĂ©ation de la clĂ© USB bootable, installation Ă lâancienne, puis prise de contrĂŽle Ă distance via SSH. JâĂ©tais calĂ© dans mon fauteuil, sirotant un sirop framboise-litchi, clavier sur les genoux. Chaque commande tapĂ©e Ă©tait un petit pas pour lâhomme, un grand pour lâefficience.
Mais le vrai dĂ©fi a dĂ©barquĂ© avec le branchement des disques. Les ports USBâŻ2 balançaient les fichiers 4K Ă la vitesse dâun escargot sous TranxĂšne. RĂ©sultat : saccades, freezes, dĂ©sillusion totale. Jâai fouillĂ© dans mes tiroirs Ă reliques pour exhumer un disque SATA 2,5″ de 2âŻTo, vestige dâun vieux projet de NAS jamais terminĂ©.
OpĂ©ration Ă cĆur ouvert : dĂ©montage du chĂąssis, insertion dĂ©licate du disque, remontage en apnĂ©e, priant pour quâaucune vis ne parte en balade entre deux nappes.
Rebelote : Debian, SSH, Plex, la routine sâinstallait.
Et lĂ , miracle : plus aucun freeze, mĂȘme sur mes fichiers 4K les plus costauds. Le tout dĂ©sormais stockĂ© sur le disque interne, nettement plus vĂ©loce â les ports USB 2 restant un goulot dâĂ©tranglement aussi frustrant quâinĂ©vitable.
Ăloges de la lenteur efficace
Ce que jâapprĂ©ciais le plus, câĂ©tait le silence. ComparĂ© Ă mon pc gamer, qui ressemblait Ă un rĂ©acteur Ă climatiseur en pleine canicule, le Dell devenait un bibliothĂ©caire discret, sâassurant que chaque film se lance sans heurt. Et lâaddition Ă©lectriqueâŻ? Une broutilleâŻ: Ă peine vingt-cinq watts en charge. Autrement dit, jâavais enfin un Netflix maison pour une poignĂ©e dâeuros par an â contre une facture EDF qui mâaurait fait pleurer sâil sâĂ©tait agi de ma config gamer.
Ă la fin de la journĂ©e, assis devant mon Ă©cran, jâai lancĂ© un Ă©pisode de The Next Generation. Les crĂ©dits ont dĂ©filĂ©. Je me suis surpris Ă lever un toast. «âŻĂ toi, la patateâŻÂ», ai-je murmurĂ©, cette machine Ă©trange qui sâĂ©tait mĂ©tamorphosĂ©e en hĂ©ros silencieux de mon grenier. Elle nâĂ©tait ni sexy ni puissante, mais dâune efficacitĂ© redoutable. Une patate, en faitâŻ: pas tape-Ă -lâĆil, mais capable de nourrir mes envies de geek sans dĂ©vorer ma facture.
Prochaine Ă©tapeâŻ: les ripages de DVD et Bluâray. SpoilerâŻ: jâai un petit toolkit artisanal pour ça, et mon chat nâest pas convaincu par mes GIF personnalisĂ©s dâAlien dansant la macarena. Mais ça, câest pour la fin du prochain Ă©pisode. Dans tous les cas, je suis prĂȘt Ă embarquer mes reliques dans cette nouvelle aventure.
Et vous, quelle utilité avez-vous trouvée à vos pommes de terre ?

ZĂ©ro patate perdue, zĂ©ro octet gaspillĂ©đ§